Le paradoxe de l'éthique du "oui"

Il y a une contradiction profonde entre l'idée d'une "adhésion au monde", d'une acceptation de toutes choses comme elles sont, et le concept même d'éthique. En effet l'éthique consiste essentiellement à orienter l'action, donc à partager le monde entre "bien" et "mal", entre états (et donc actions) désirables et indésirables.

Celui qui accepte véritablement le monde, celui qui "dit oui" sans restriction, ne peut guère porter en même temps une exigence éthique. C'est le paradoxe et la difficulté des éthiques spinozistes et nietzschéennes.

Spinoza : il n'y a pas de mal, mais il faut pourtant orienter notre effort dans certaines directions.
Autrement dit c'est une question de mots, d'ontologie : il n'y a pas de "mal" à proprement parler, c'est-à-dire de puissance mauvaise, de diable. Mais il y a de la faiblesse. Ce qu'on appelle le "mal" existe bien, mais il n'est pas le fruit d'une volonté propre, il est une absence (de force, de vertu, d'intelligence), un manque, un vide, un creux, un défaut.

Finalement l'éthique du "oui" tient grâce à un jeu de mots : on dit que le "mal" n'est rien - bien qu'il existe. Il est donc à fuir, c'est-à-dire que la faiblesse est à fuir, c'est-à-dire que la force est à rechercher. Tout tient à cette définition particulière de l' "être" qui ne correspond pas à l'usage habituel du langage, selon lequel tout ce qui peut être vu, distingué, classé - par exemple les actes faibles, vils, méprisables, etc. - est, au même titre qu'autre chose, sans se préoccuper de l'essence ou de l'origine profonde de l'acte.

Autrement dit à cette ontologie commune, neutre et sans hiérarchie, Spinoza s'oppose en introduisant une différence ontologique (en un sens non heideggerien, pour l'instant) au coeur de l'être.

Cette distinction ressemble d'ailleurs fort à un anthropomorphisme. C'est comme une extension du concept d'action. L'action fonde, de manière anthropomorphique, un rapport particulier à la négation, elle semble permettre une distinction de nature entre le oui et le non. Tout un courant d'idées philosophiques s'élabore là-dessus.

Le seul socle solide de cette distinction, c'est la différence vécue entre l'action et la réaction, entre le oui et le non, entre le désir et l'aversion, entre la joie et la tristesse.

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